Destins de femmes dans la Grande guerre

En rapprochant deux récits éloignés dans l’espace, Musiques au Pays de Hanau a permis d’évoquer, lors d’un spectacle, des décennies d’histoire partagée, souvent tragiques mais aussi marquées de tendresse et de liberté.

Ces deux femmes ont, en effet, par leurs témoignages et leur regard rafraîchissant et créatif, fait saisir la place éminente qu’elles ont, toutes deux, pu tenir. L’une, Marie Hart, ballottée entre l’Alsace et Allemagne. L’autre, Mémère Germaine, établie durablement près de Reims. Elles ne se doutaient pas que Bouxwiller et Champfleury se retrouveraient, un siècle plus tard, dans la même grande région administrative.

Les restructurations de frontières
Au cours de sa visite guidée Robert Bittendiebel a détaillé les déchirements vécus par Marie Hart, mais a tenu à montrer la complexité de la situation qui ne se résume pas à des allersretours répétés pour l’Alsace, entre la France et l’Allemagne. En effet, les régimes politiques de part et d’autre et les restructurations de frontières, ainsi qu’une certaine volonté d’affirmer le double héritage ont pu entraîner des réactions très contrastées et parfois nuancées, selon le milieu familial ou les options sociales et politiques.
Tout autre est le destin de Mémère Germaine dans sa campagne, havre de paix rurale devenu théâtre d’opérations militaires. Le conteur Clément Riot s’installe avec un rare bonheur dans un récit où la simplicité du verbe devient beauté, où le mouvement du corps a toute sa place. D’un geste de l’avant-bras, il fait minutieusement vivre devant le public les mouvements d’un cheval qui finit par s’éloigner au galop en vainqueur de l’ennemi. Un coup d’oeil, une inflexion de voix campent des scènes et despersonnages, évoquent la présence réelle ou fantasmée du loup, l’histoire du renard ou de l’âne dans le puits.

Un accordéon créateur d’ambiance
Si la souffrance est bien présente, elle n’en laisse pas moins sa place à un présent fait de petits bonheurs et de tendresse, à ce bon sens paysan, cette assurance des humbles parlant en toute liberté. C’est là une très utile démonstration de l’efficacité et de la beauté du verbe simple, une sorte de revanche sur une littérature « d’effets de style ».
Jean-Paul Sire, accordéoniste, très sensible à tout cela, est un fidèle compagnon de cette aventure créative. Son instrument, populaire par excellence, est parfois là en accompagnement, mais plus souvent créateur d’ambiance de façon autonome. Des moments
de silence, sans parole ni musique, découpent le récit en cinq chapitres, un par année de guerre. L’attention très soutenue du public, remarquée et saluée par les artistes, était bien la preuve que toutes ces qualités avaient été perçues à leur juste valeur. Il faut s’en réjouir.

Les prochains concerts
Ce concert, placé sous le patronage et en la présence du maire de Bouxwiller, Alain Janus, était le premier d’une série de quatre, dont les prochains auront lieu à l’église Saint-Adelphe de Neuwiller-lès-Saverne.

À Neuwiller-lès-Saverne
Le dimanche 7 juin à 17 h : quintette Pente Tria, quintettes pour clarinette et cordes de Mozart, Hosokawa et Brahms. Le dimanche 20 septembre à 17 h : trio Lersy (G. Ibanez, S. Garcia, J. Barthe), trios avec piano de Haydn, Turina, André David et Mendelssohn. Le dimanche 18 octobre à 17 h : récital de piano de Patricia Pagny, oeuvres de Schumann, Chopin, Lili Boulanger et Takemitsu.

À Strasbourg
En outre, un concert exceptionnel marquera les 30 ans de Musiques au pays de Hanau, le mardi 24 novembre, à 20 h, à l’église Saint-Thomas à Strasbourg : orchestre de la Follia, direction J-J Werner, Brigitte Balleys, mezzo-soprano, Hugues Borsarello, violon, Frédéric Werner, flûte, Daniel Spiegelberg, piano, Daniel Leininger, orgue.
Hommage à Pierre Wissmer (1915 – 1992). oeuvres de : Wissmer, Respighi, Mozart, Bach, Werner et Daniel-Lesur.

Source DNA