La danse au piano
Centré sur des compositions où la danse est omniprésente, le magnifique récital de piano donné par Patricia Pagny a permis de franchir les pays, les siècles et les styles à la très
grande satisfaction d’un public assez nombreux invité par Musiques au pays de Hanau.
Le titre clin d’oeil AbonDance annonçait la couleur, celle de la profusion et du rythme. Pari tenu et avec brio. Ainsi les évocations de danses populaires s’affichaient dans deux
brèves sonates de D. Scarlatti, chez F. Schubert dans sa très touchante sonate en la mineur et dans les quatre pièces d’E. Grieg. Dans un registre plus savant, dont les danses
de salon ont pu hériter, le concert se continuait avec la sonate en mi majeur de L. van Beethoven, la ballade n°2 de F. Chopin et Ondine de C. Debussy.
Une place et une mention particulières reviennent à la suite de danses criollas d’A. Ginastera. Cette composition d’un dynamisme contagieux, n’est pas sans rappeler l’emblématique Misa Criola d’A. Ramirez, tous deux compositeurs argentins. A la frontière d’autres genres musicaux comme le jazz, le piano se mue au détour d’une phrase en instrument à percussion et se lance dans un tourbillon où accords et ligne mélodique, loin de conventions musicales contenues, libèrent une énergie qui, littéralement, gagne les corps.
Une énergie qui gagne les corps
Tant de variété et de vigueur requièrent un métier sûr. Patricia Pagny, dans sa carrière de soliste sait magnifiquement construire un programme, passer d’un compositeur au suivant
en un rien de temps, faire dialoguer les deux mains de façon très perceptible (Scarlatti, Beethoven), faire ruisseler des accords perlés (Debussy) et glisser d’un pianissimo à un
fortissimo avec élégance et discernement.
Ses pratiques pédagogiques ont, elles aussi, leur place dans la conception d’un récital, dans le choix audacieux d’un ajout de musique contemporaine. Ici Le fugitif « Fuori dess
tempo dell’Alberti » d‘Ester Brughera s’ouvrait sur un grondement menaçant suivi d’accords minutieusement détaillés.
Patricia Pagny porte toute cette musique dans son coeur et dans sa tête, recourant rarement à la partition, tantôt les yeux rivés sur le clavier, tantôt en recherche d’inspiration,
tournée vers les voûtes romanes de l’église Saint-Adelphe et ébauchant des mouvements gracieux et souriants, hommage supplémentaire à la danse.